Le Canada interdit les thérapies de conversion visant à « soigner » les homosexuels
Par une large majorité, les député·e·s canadien·n·e·s ont adopté un projet de loi visant à interdire les controversées thérapies de conversion ce mardi 22 juin. Cette promesse électorale de Justin Trudeau a réussi à être votée malgré la perte de la majorité absolue de son parti au sein du Parlement canadien. Selon une récente étude (qui n'a malheureusement étudié ce phénomène que parmi la population masculine) 47.000 hommes de ce pays ont été soumis à ces pratiques.
Alors que Justin Trudeau avait perdu sa majorité absolue en 2019, et bien que plus de la moitié des élu·e·s du Parti Conservateur, le principal parti d’opposition, ont voté contre ce texte, c’est par une large majorité que les député·e·s canadien·n·e·s ont décidé de légiférer contre les thérapies de conversion à 263 voix contre 63. Nommé « projet de loi C-6 », il ne lui reste plus qu’à être approuvé par la chambre du Sénat, ce qui ne devrait être qu’une simple formalité. Le projet prévoit des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison pour toute personne ou organisation qui ferait subir une « thérapie de conversion » à un·e mineur·e ou à un·e adulte non-consentant·e.
Ces « thérapies », qui consistent à « guérir » les personnes LGBTQIA+ de leur « maladie » pour les rendre « normales », prennent le visage de traitements variés et pseudo-scientifiques, qui peuvent aller du groupe de parole pour « ex déviants » à des isolations forcées ponctuées par des séances de « confession des pensées impures », pour certaines thérapies de fondamentalistes chrétiens. Prouvées inefficaces pour modifier l’orientation sexuelle d’une personne, ces thérapies ont par contre un réel impact néfaste, puisqu’elles poussent une personne à diaboliser sa propre sexualité et le rapport qu’elle entretient à son propre corps, au risque de lourdes séquelles psychologiques. Il n’est pas rare que ceux et celles confronté·e·s à ces pratiques développent des troubles comme de l’anxiété, de la dépression, des pensées suicidaires, etc., parfois des années après les séances. En France, la ministre chargée de l’égalité, Elisabeth Moreno, a d’ailleurs qualifié ces pratiques de « moyenâgeuses ».
Quid de l’Europe ?
« S’il est adopté, le projet de loi C6 fera du droit criminel canadien le plus progressiste et exhaustif au monde en matière de thérapie de conversion », selon un tweet du ministre de la Justice canadien David Lametti. Il est vrai qu’en Europe, le sujet piétine. En mars 2018, le Parlement européen avait appelé ses États membres à interdire ces agissements. À ce jour, seuls l’Allemagne et Malte ont légiféré en ce sens, rejoints par la Suisse et l’Albanie en ce qui concerne les pays non-membres. Des discussions sont en cours en Espagne, aux Pays-Bas, en Irlande, en Italie, et en Pologne. En Belgique, malgré le travail associatif, le sujet n’est que rarement évoqué. En France un projet de loi est sur la table, mais ne peut pas être voté parce que le Parlement a des priorités « plus urgentes » durant cette législature. Alors que l’homosexualité a été retirée de sa liste des pathologies mentales par l’OMS en 1990, le Vieux Continent a encore du travail à faire pour rattraper la Nouvelle-France.
En savoir plus:
Article sur le projet de loi canadien
Reportage d'Arte sur les "homothérapies"