La guerre et les femmes : regard genré sur l’impact de la guerre en Ukraine

Mardi, 8 Mars 2022

Alors que la guerre en Ukraine se poursuit et que des milliers d’ukrainiens·iennes ont fui le pays sous la pression des attaques russes, de nombreuses femmes doivent rester sur place et s’adapter aux rudes conditions de la guerre. Si certaines ont décidé de s’engager de leur plein gré dans l’armée afin de défendre le territoire et l’intégrité de l’Ukraine, d’autres doivent subir cet immobilisme imposé, c’est notamment le cas des femmes sur le point d’accoucher dans des conditions plus qu’incertaines. Cet article se donne comme objectif de mettre en lumière certains impacts de la guerre sur les femmes. Qu’elles soient engagées ou non, la guerre provoque de profonds bouleversements et les femmes paient lourdement le prix de son déclenchement. 

Selon l’ONU, la guerre russo-ukrainienne a provoqué le flux d’immigration massif le plus rapide en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. On dénombre aujourd’hui (08 mars 2022) plus de 2 millions ukrainiens·iennes réfugiés·ées qui auraient quitté le territoire. Parmi ces réfugiés·ées, une majorité sont des femmes accompagnées de leurs enfants, qui laissent foyer et souvenirs dans le pays attaqué. À partir de là, les angoisses s’accumulent pour ces femmes qui cherchent la sécurité. Angoisse de la route, angoisse de l’accueil, angoisse pour les proches restés sur place, angoisse de ne plus pouvoir revenir, etc. Fuir un pays en guerre place ainsi les femmes réfugiées dans une incertitude traumatique. 

D’autres femmes, elles, décident délibérément de rester afin de défendre le territoire menacé. Pour ces femmes, le quotidien est différent. Comme on peut le lire sur le site de TV5 monde dans la rubrique L'actualité des femmes dans le monde ; « aides à l’effort de guerre, militaires, résistantes ou victimes, les femmes sont souvent oubliées sur le champ de bataille, alors qu’elles sont pourtant en première ligne : abus, viols, violences, tortures, migrations, insécurité sanitaire… ». Dans cette optique de visibilisation d’une minorité, de nombreux médias et plateformes éditent depuis le début de la guerre des articles qui mettent en avant certaines femmes combattantes qui résistent, prennent les armes et participent pleinement à la lutte contre l’envahisseur russe.

Enfin, face à ces femmes qui restent délibérément, certaines sont dans l'obligation de demeurer sur le territoire. Il s’agit là par exemple des femmes sur le point d’accoucher qui ne peuvent pas se permettre de prendre la route et qui doivent donner naissance dans des conditions plus qu'extrêmes. Le 26 février 2022, le média Les Grenades de la RTBF a ainsi publié un article révélateur des conditions dans lesquelles les femmes doivent accoucher. Intitulé, « Guerre en Ukraine : un service de néonatologie forcé de s’installer dans un abri anti-bombes de fortune », l’article condense les images et témoignages émis depuis l'Ukraine dans un récit glaçant. Service de néonatologie dans un abri anti-bombes, accouchement dans les couloirs d'un métro, les femmes doivent jongler entre lieu inaproprié, manque de matériel médical, douleurs pré et post-natale, choc traumatique et très certainement angoisse d'un accouchement compliqué. 

Une accumulation de violences pour les femmes ukrainiennes 

De plus, alors que cette guerre semble être l’apogée des tensions entre la Russie et l’Ukraine, elle signe également l’apogée des violences faites à l’égard des femmes ukrainiennes. En 2020, Les Grenades mettaient déjà en avant la recrudescence des violences sexuelles et conjugales envers les femmes ukrainiennes (particulièrement de l’Est) à la suite du déclenchement de la guerre du Donbass en 2014. Se basant sur les résultats des enquêtes menées par Amnesty International, Camille Wernaers mettait en exergue l’aggravation des violences commises, résultantes de la crise sociale et économique, de l’accessibilité des armes et des traumatismes de cette guerre sur les populations ukrainiennes. Violences domestiques en hausse, violences sexuelles de la part des militaires, peu de prise en charge de la part des autorités, les femmes ukrainiennes payaient déjà les conséquences de la guerre déclenchée par la Russie. 

Pourquoi apposer un regard genré sur la(les) guerre(s) ? 

La guerre, ses représentations et ses analyses sont de manière originelle intimement liées à l’identité masculine. Les femmes ont longtemps été représentées comme des être faibles qu'il fallait protéger en temps de guerre. A contrario, l'identité masculine s'est construite par la guerre et ses caractéristiques (force, virilité, patriotisme, etc). Ainsi, si le champ des Relations Internationales a longtemps ignoré le rôle des femmes dans les épisodes guerriers, on assiste aujourd'hui à une mise en lumière des rôles des femmes dans les guerres contemporaines. Ce nouveau prisme d'analyse permet alors de déconstruire plusieurs postulats de base. On peut ainsi réfléchir aux rôles traditionnels attribués aux femmes et aux hommes dans les zones de conflit ; les hommes forts à la guerre et les femmes faibles aux tâches domestiques. On peut également déconstruire le préjugé de la sécurité et de la protection des femmes ; on voit aujourd'hui en Ukraine de nombreuses femmes prendre les armes et aller à la rencontre des adversaires. Apposer un regard genré permet alors, en plus de visibiliser des conditions dramatiques, de repenser la construction de l'identité des femmes ET des hommes.