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Affaire Sanda Dia : (IN)justice de classe et de "race" ?

Vendredi, 9 Juin 2023

Le jugement prononcé le vendredi 26 mai dernier par la cour d’appel d’Anvers dans le cadre du procès autour de la mort de Sanda Dia a suscité de nombreuses réactions d’indignation. Pour rappel, ce jeune homme est décédé en décembre 2018 suite aux épreuves extrêmes endurées lors de son baptême estudiantin quelques jours plus tôt.

Rappel des faits

Le 7 décembre 2018, Sanda Dia, 20 ans, étudiant en troisième année d’ingénieur civil à l’Université catholique de Louvain (KU Leuven), décède des suites de son baptême estudiantin au sein du cercle « De Reuzegom ». Pour devenir membre à part entière de ce cercle (désormais dissolu), Sanda et deux autres jeunes hommes ont été contraints d'accomplir des tâches extrêmes dans les jours qui ont précédé.

L’enquête a montré que Dia a dû ingéré de très grandes quantités d'alcool dont un litre de gin à lui seul. L’objectif des membres de ce cercle était de ne pas le laisser dessaouler. En effet, le robinet du lavabo de son appartement de Louvain avait été scellé au ruban adhésif pour l’empêcher de s’hydrater. De plus, il a notamment été poussé à ingérer de l’huile de poisson, de la bouillie pour chien,ou encore une souris malaxée. D’après une enquête menée par le quotidien flamand De Morgen, sa température corporelle atteignait 28ºC - température rendant impossible toute prise de sang - lorsqu’il a été amené, sans connaissance, à l’UZA, l’hôpital universitaire d’Anvers, après avoir été forcé de subir ces épreuves dans un trou humide.


Décision de justice

Le 26 mai dernier, la cour d’appel d’Anvers a acquitté les 18 prévenus - membres du cercle estudiantin Reuzegom - d’administration de substances nuisibles et de négligence coupable ayant entraîné la mort de Sanda Dia. Ils ont cependant été condamnés à entre 200 et 300 heures de travaux d’intérêt général pour homicide involontaire, traitement dégradant et infractions à la législation sur le bien-être animal ainsi qu’à 400 euros de dommages et intérêts. Ces peines de travail ne seront pas inscrites dans l’extrait de casier judiciaire des 18 prévenus contrairement à une peine de prison, comme réclamé par le parquet. Les prévenus, qui n'ont d'ailleurs jamais été nommés publiquement, verseront également des dommages et intérêts au père, au frère et à la belle-mère de Sanda, qui recevront des montants totaux respectivement de 15 000 euros, 8 000 euros et 6 000 euros. Les étudiants verseront également à la mère de Sanda la somme qu'elle a demandée à titre de dommages et intérêts : 1 euro.

 

Classisme et racisme 

La  décision de la cour d’appel a été jugée par certain·e·s politiques, médias et surtout l’opinion publique belge et internationale comme insuffisante voire clémente au vu de la gravité des circonstances ayant entrainé la mort du jeune étudiant. Pour celleux-ci, toute cette affaire peut se lire par le prisme du racisme et de la violence de classe.

Pour rappel, Sanda Dia était un étudiant métisse, né d’un père mauritanien et d'une mère belge, se retrouvant victime d’un baptême organisé par un groupe de jeunes blancs et issus d’un milieu privilégié. En effet, le Reuzegom comptait parmi ses membres des jeunes hommes, dont les parents occupent parfois des fonctions très influentes au sein de la société flamande. La question d’un racisme latent au sein du cercle a également été soulevée par l’affaire, nourrie par certains récits. Selon des propos relayés dans la presse en 2020, des témoins auraient ainsi entendu, dans le cadre d’une activité antérieure à l’épreuve finale du baptême de Sanda Dia, des membres du Reuzegom utiliser une injure raciste pour invectiver ce dernier.

La légèreté de la peine et l’anonymat total qui règne autour de l’identité des membres de ce cercle élitiste soulève donc légitimement la question du racisme, du classisme et de la reproduction des élites.

Pays: 

Belgique