Violences policières

Violences policières : Quel est le profil des victimes ?

Mardi, 11 Juillet 2023

Ces dernières années, on observe une plus grande médiatisation des faits de violences commises par la police en Europe. Dans l’actualité récente, le nom de Nahel, 17 ans, tué le 27 juin dernier, se rajoute à la longue liste des morts causées par la police en France. Mais qui sont ces victimes des violences policières ? Existe-t-il des caractéristiques communes en terme de « race »*, de classe ou encore de genre entre les victimes ?

 

Pour rappel, les expressions « brutalités», « bavures » ou « violences » policières font référence à des actes commis par la police et les forces de l'ordre qui vont au-delà des actions autorisées par le droit national. Ces comportements prennent plusieurs formes, de la violence physique ou verbale, contrôle au faciès, répression dans les quartiers, ou encore la traque des migrant·e·s et personnes sans papiers.
 

  • Profilage racial ?

Les violences policières à caractère raciste sont des phénomènes bien réels mais insuffisamment reconnus ou documentés en Europe. En effet, comme le soulève le réseau européen contre le racisme (ENAR), il n'existe pas de chiffres officiels de l'UE concernant les décès de minorités racisées à la suite d'une interaction avec la police. Cependant les familles et les militant·e·s à travers l'Europe attirent l'attention sur celleux qui sont mort·e·s et il devient de plus en plus difficile pour les représentant·e·s du gouvernement de nier ces décès. 

En France, d’après le Défenseur des droits, les jeunes hommes perçus comme noirs ou maghrébins ont 20 fois plus de risques d’être contrôlés par la police que les autres. Ailleurs en Europe de nombreux cas de brutalités policières ont également été recensés : dans les campements roms, en Bulgarie et en Roumanie par exemple ; ou encore des refoulements illégaux de réfugié·e·s et migrant·e·s en Grèce.
 

  • Problème de classe ?

Selon Fabien Jobard, directeur de recherches au sein du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), le public cible « régulier » de la violence policière serait celui qui, précaire ou désaffilié, est déjà fortement quadrillé par les institutions sociales de l’État (il en est souvent le bénéficiaire, via des allocations, dispositifs d’insertion, associations socio-culturelles, etc.). 

Les habitant·e·s des quartiers populaires se retrouvent donc « logiquement » surreprésenté·e·s parmi les victimes de violences policières. Selon Julien Tapin, chercheur au CNRS, il ressort alors un fort sentiment d’injustice dans le traitement policier entre les habitant·e·s des quartiers populaires pour beaucoup issus des minorités ethno-raciales et le reste de la population.   
 

  • Surreprésentation des hommes non-blancs

Enfin, les violences policières s’orientent le plus souvent vers des jeunes hommes non-blancs, et cela n’a rien d’un hasard.

Comme le relève, Mathieu Rigouste, chercheur en sciences sociales et spécialiste des violences policières, de l’époque et l’imaginaire colonial, il persiste une perception particulière dans les représentations collectives des hommes non-blancs qui sont considérés comme des êtres violents, agressifs, violeurs et voleurs dont les corps constitueraient une menace intrinsèque. Cette représentation déterminerait une réaction policière plus rapidement violente et dangereuse envers ces personnes, ainsi qu’une méfiance constante envers les personnes présentant ces phénotypes.

Sur la base de données de Basta, média indépendant sur l’actualité écologique et sociale, sur les 861 personnes décédées en France à la suite d’une intervention des forces de l’ordre entre 1977 et 2022, 92% étaient de sexe masculin. Autres données intéressantes : la moitié des morts recensés avaient moins de 27 ans.          


La police ne fonctionne vraisemblablement pas de la même manière pour tout le monde. En effet, le profil des victimes de violences policières, décédées ou non, se répète et se ressemble : personnes racisées, habitant en banlieue, de classe sociale défavorisée, et de genre masculin. Face à ces constats de traitement raciste, classiste et genré des victimesquelles perspectives pour l’avenir des institutions policières ?

 


La notion de race est ici définie comme une construction sociale et s’appuie sur des catégories de perception qui sont présentes dans la réalité sociale afin d’analyser les conditions historiques et sociales notamment qui influencent l’expérience des minorités ethniques.