Pacte_asile_et_migration

Adoption par le Parlement européen du pacte sur l'asile et la migration

Mardi, 16 Avril 2024

Le Parlement européen a définitivement adopté le "Pacte sur la migration et l'asile", un ensemble de 10 textes législatifs visant à renforcer le contrôle des arrivées de migrant·e·s dans l'Union européenne (UE). Cette étape importante dans la gestion des flux migratoires au sein de l'UE suscite des débats et des critiques, notamment concernant les mesures de contrôle et le partage de responsabilités entre les différents pays membres.

Le mercredi 10 avril, les eurodéputé·e·s ont entériné la réforme de la politique migratoire européenne, instaurant un contrôle plus strict des arrivées de migrant·e·s dans l'UE et instituant un mécanisme de solidarité entre les États membres pour l'accueil des demandeur·euse·s d'asile.  

Cette nouvelle législation offre aux États membres trois options pour contribuer à cette solidarité :  

  • Accueillir des demandeur·euse·s d'asile sur leur territoire.  

  • Fournir un soutien financier.  

  • Offrir une assistance opérationnelle et technique.  

Cette réforme de la politique migratoire européenne est le fruit d'un difficile compromis sur un sujet qui alimente des tensions entre les pays membres depuis des années. La session plénière à Bruxelles a été brièvement interrompue par les protestations de militant·e·s hostiles à cette réforme. Présenté par la Commission européenne en septembre 2020, ce pacte est une nouvelle tentative de refonte des règles européennes, après l'échec d'une précédente proposition en 2016 dans la foulée de la crise des réfugié·e·s. Il doit s'appliquer en 2026 et ses modalités de mise en œuvre devront encore être définies.  

Le nouveau système, qui remplace le règlement Dublin III, maintient le principe général en vigueur selon lequel le premier pays d'entrée dans l'UE d'un·e demandeur·euse d'asile est chargé de l'examen de son dossier. D'autres critères ont toutefois été ajoutés à ceux déjà en place, permettant la prise en charge de la demande dans un autre pays que celui par lequel iel est arrivé·e dans l'UE. Alors que la règle du premier pays d'entrée fait peser un poids plus important sur ceux du sud de l'Europe, un mécanisme de solidarité obligatoire est introduit pour soulager les États membres confronté·e·s à une pression migratoire. Les autres membres de l'UE doivent alors y contribuer en accueillant des demandeur·euse·s d'asile ("relocalisations") ou par une aide financière.  

La réforme prévoit notamment la mise en place d'un "filtrage" obligatoire préalable à l'entrée d'un·e migrant·e dans l'UE. Ces contrôles d'identification et de sécurité peuvent durer jusqu'à sept jours. À l'issue de ce délai maximum, la personne est orientée vers une procédure d'asile - classique ou accélérée - ou renvoyée dans son pays d'origine ou de transit. Les demandeur·euse·s d'asile qui ont statistiquement le moins de chances d'obtenir une protection internationale - les ressortissant·e·s de pays pour lesquels le taux de reconnaissance du statut de réfugié, en moyenne dans l'UE, est inférieur à 20 % comme le Maroc, la Tunisie et le Bangladesh - seront orienté·e·s vers une "procédure à la frontière". Dans le cadre de cette procédure, il est prévu de créer quelque 30 000 places dans des centres dédiés, afin d'accueillir à terme jusqu'à 120 000 migrant·e·s par an.  

L'une des dispositions de la réforme prévoit une réponse en cas d'afflux massif et exceptionnel de migrant·e·s dans un État de l'UE, comme au moment de la crise des réfugié·e·s de 2015-2016. Sera alors rapidement déclenché un mécanisme de solidarité en faveur de l’État concerné et mis en place un régime dérogatoire, moins protecteur pour les demandeur·euse·s d'asile que dans les procédures habituelles.  

Cela dit, quelques 161 organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, Amnesty International, l'International Rescue Committee, ou encore Oxfam, avaient appelé les eurodéputé·e·s à rejeter le Pacte, s'inquiétant des "détentions de familles avec enfants" et une "criminalisation" des exilé·e·s.  

En effet, ce Pacte pose plusieurs problèmes majeurs :  

  • Restriction de l'accès à la protection : Les nouvelles règles limitent sérieusement l'accès à la protection pour les demandeur·euse·s d'asile, en particulier en confinant celleux-ci à des procédures d'asile et de retour accéléré aux frontières extérieures de l'Europe.  

  • Externalisation de la responsabilité : Le Pacte favorise l'externalisation de la responsabilité de l'asile vers des pays tiers non-membres de l'UE, ce qui soulève des préoccupations concernant les garanties de protection dans ces pays.  

  • Mesures exceptionnelles en cas de crise : En cas de crise, les gouvernements pourront prendre des mesures exceptionnelles pour retarder l'accès à la procédure d'asile et prolonger les procédures aux frontières, introduisant ainsi des risques d'abus et de violation des droits fondamentaux.  

Ces points soulignent les lacunes et les préoccupations entourant le nouveau Pacte européen sur la migration, mettant en lumière la nécessité d'une approche plus équilibrée et respectueuse des droits humains dans la politique migratoire de l'UE