Violences à l'égard des femmes : la définition du viol divise le Conseil de l'UE

Vendredi, 6 Octobre 2023

En mars 2022, à l’occasion de la Journée mondiale des droits de la femme, la Commission européenne avait présenté une directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Plus d'un an après, l’adoption de la directive est encore loin d'être évidente… 

Le 1er juin 2023, l'UE a officiellement adhéré à la Convention d’Istanbul, un traité international visant à prévenir les violences fondées sur le genre, à protéger les victimes et à sanctionner les auteur·rice·s. En signant ce texte, l'Union s'est engagée pour l'élimination de toutes les formes de violences envers les femmes, y compris les violences conjugales et familiales. Chose qu'elle avait déjà entrepris avec la proposition de directive sur la lutte contre les violences faites aux femmes. 

Concrètement, la directive poursuit deux objectifs majeurs : 

  • Elle vise à harmoniser les définitions des violences faites aux femmes ainsi que les sanctions applicables à ces actes au sein de l’Union européenne. Actuellement, la définition de ces violences est très hétérogène, ce qui entraîne des incohérences dans les peines et les mesures judiciaires. 
  • Elle entend en outre améliorer l’accompagnement des victimes ainsi que la prévention. Est prévue la mise en place d’une assistance juridique et sociale gratuite, une assistance téléphonique disponible 24h/24 et 7j/7 dans toutes les langues de l’UE ou encore l’aménagement du contrat de travail de la victime. L’Union souhaite aussi mieux former les professionnel·le·s qui interviennent auprès des victimes.


La définition du viol suscite des divergences 

Le point de désaccord majeur réside dans l’inclusion de la définition du viol au sein de la directive. Simplement, la directive propose une approche centrée sur le consentement clair : cela éviterait aux victimes de devoir démontrer qu'elles ont subi des violences ou une pénétration, par exemple. Néanmoins, certains Etats membres estiment que cette définition du viol ne devrait pas etre intégré dans la directive, arguant qu’il ne relève pas de la catégorie des “eurocrimes”. Ces derniers correspondent aux infractions qui nécessitent une harmonisation au niveau de l’Union européenne en raison de leur dimension grave et transfrontalière. Ils sont définis à l’article 83 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Cet article, qui sert de base légale à la directive, mentionne explicitement “l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants”. Cette expression avait déjà servi de base légale pour la législation visant à lutter contre les abus sexuels commis à l’égard des enfants en 2011. Cet argument étonne donc ; il n’y a aucune raison de dire que les abus sexuels à l’égard des femmes ne pourraient bénéficier de la même base légale. 

Le temps presse, car les élections du Parlement européen, qui auront lieu en juin 2024, auront nécessairement pour conséquence une pause législative. En outre, la Hongrie et la Pologne prendront la tête du Conseil de l’UE après la Belgique, ces États ne sont pas nécessairement les plus enclins à soutenir de telles mesures… 

Il est regrettable que les États membres ne parviennent pas à trouver un terrain d’entente. Pour rappel, en Europe, sept femmes meurent chaque jour sous les coups de leur conjoint ou d’un membre de leur famille selon les Nations Unies.