La CEDH donne raison à Caster Semenya

L’athlète Caster Semenya gagne son recours auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme

Jeudi, 13 Juillet 2023

Ce mardi 11 juillet, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a donné raison à l’athlète sud-africaine Caster Semenya exclue des compétitions depuis 2019 car son taux de testostérone naturel dépasse la limite du règlement de la Fédération internationale d’athlétisme. 

  • Contexte

Caster Semenya a remporté la médaille d’or aux Jeux olympiques dans la catégorie 800 mètres en 2012 et en 2016, et est triple championne du monde sur cette même catégorie.

Mais ce beau palmarès n’est pas sans embûches. En 2018, la Fédération internationale d’athlétisme s’appuie sur des expertises jugées contestables par une partie de la communauté scientifiques et défini un seuil maximal de testostérone (5 nanomoles par litre de sang), pour concourir avec les femmes sur les distances allant de 400m au mile (1609m), seuil encore abaissé (2,5 nanomoles par litre de sang), et élargi à toutes les distances de courses en mars 2023.

Or, les athlètes hyperandrogènes comme Caster Semenya – qui présentent un taux de testostérone naturelle élevé en raison de différences de développement sexuel (DSD) - ont des taux de testostérone naturels entre 7,7 et 29,4 nmol/L. Elles doivent donc suivre un traitement pendant 6 mois et de manière ininterrompue pour faire chuter leur taux de testostérone sous cette limite. 

 

  • Est-ce éthique ?

Caster Semenya refuse de suivre ce traitement et d’être un « rat de laboratoire ». Depuis qu’elle a remporté, à 18 ans, la médaille d’or aux championnats d’Afrique juniors en battant son record personnel, des rumeurs et des spéculations sur son sexe ont circulé. Ces dernières se sont empirées lorsqu’elle a gagné sa première médaille d’or des championnats du monde au 800m. La championne livre notamment : « les gens veulent me fixer maintenant. Ils veulent me toucher ».

L’athlète refuse de mettre sa santé en danger pour rentrer dans la case « femme normale » qu’a tracé la Fédération internationale d’athlétisme pour « l'équité ». C’est pourquoi elle prône : « Je continuerai à me battre pour les droits humains des athlètes féminines, tant sur les pistes d'athlétisme qu'en dehors, jusqu'à ce que nous puissions toutes courir librement comme nous sommes nées. »

  • Recours en justice

Caster Semenya, refusant de suivre un traitement pour faire baisser son taux de testostérone, dépose une requête d’arbitrage en juin 2018 devant le Tribunal du Sport (TAS) contre ce règlement DSD. Cette instance, basée à Lausanne et dépendant donc du droit suisse, déboute sa demande en avril 2019, tout en mettant en garde l’IAAF (ancienne Fédération internationale d’athlétisme) du caractère discriminatoire du règlement.

L’athlète fait appel à cette décision et dépose en plus un recours civil devant le Tribunal fédéral suisse en mai 2019. Le tribunal suspend alors de manière provisoire ce règlement DSD, seulement pour Caster Semenya, le temps de traiter son recours, qu’il juge finalement infondé deux mois plus tard. Puis en 2020, la Cour suprême suisse confirme la décision du TAS, qui validait le règlement DSD limitant le taux de testostérone à 5 nmol/L. Caster Semenya continue sa lutte pour ses droits et se tourne alors vers la CEDH. 

  • Première victoire : la Cour européenne des droits de l’Homme donne raison à Caster Semenya

Ce mardi, la CEDH estime que l’arrêt rendu par la Cour suprême suisse est discriminant à l’encontre de l’athlète.

La Cour indique que Caster Semenya a été victime de la violation de l’interdiction de la discrimination (article 14), du droit au respect de la vie privée (article 8) et du droit au recours effectif (article 13). Cependant, cet arrêt de la CEDH n’invalide pas le règlement DSD et n’ouvre pas de manière claire la voie à un retour de l’athlète sur 800m sans qu’elle ne prenne de traitement.

Comme annoncé par Caster Semenya, concernant cet arrêt de la CEDH, « ce n'est que le début. »