Vers une Europe sécuritaire ? L'Allemagne réinstaure les contrôles frontaliers
L’Allemagne rétablit les contrôles terrestres sur toutes ses frontières à partir de ce lundi 16 septembre 2024 avec pour objectif de « lutter contre l’immigration irrégulière sur son territoire ».
L'Allemagne réoriente ses politiques : entre continuité et durcissement
L'Allemagne amorce un tournant important dans sa politique migratoire. Alors qu'en 2015, elle s'était distinguée par une politique d'accueil en ouvrant ses portes à plus d'un million de réfugié·e·s syrien·ne·s, et qu'elle a réitéré cette démarche lors du déclenchement de la guerre en Ukraine, la situation évolue désormais vers un durcissement des mesures. La décision d'instaurer des contrôles aux frontières s'accompagne de l'annonce de la suppression des aides pour les demandeur·euse·s d'asile ayant transité par un autre pays de l'UE avant d'arriver en Allemagne et la facilitation de l'expulsion des réfugié·e·s condamné·e·s pénalement.
Cette politique s'inscrit dans la lignée des mesures adoptées au cours des dernières années. En octobre 2023, des contrôles avaient déjà été instaurés aux frontières avec la Pologne, la République Tchèque, l'Autriche et la Suisse. Cette évolution des mesures migratoires en Allemagne annonce un durcissement clair de la politique d'accueil. L'accent n'est plus mis sur la protection des personnes migrantes en situation de grande précarité, mais plutôt sur une volonté ferme de contrôler les frontières.
Un repli sécuritaire ?
Cela ne va pas à l’encontre des règles européennes, car depuis 2011, l'Union européenne autorise la restriction de la libre circulation en cas de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure, initialement pour une durée maximale de six mois.
Cependant, l'utilisation croissante de ces dispositions par les États membres illustre un repli sécuritaire, où le contrôle des frontières devient une priorité. Cela reflète une montée de la défiance envers les partenaires européens et remet progressivement en question les acquis fondamentaux de l'espace Schengen.
Un gage donné à l’extrême droite face à la montée des inquiétudes sécuritaires en Europe
La mise en place de cette mesure s’inscrit dans un contexte marqué par la montée de l’extrême droite en Allemagne, notamment avec la victoire de l’AfD lors des élections dans le land de Thuringe en septembre 2024. Ce parti d'extrême droite milite activement pour un durcissement des politiques migratoires, en réclamant davantage de contrôles aux frontières et des mesures plus restrictives à l'égard des migrant·e·s. Le gouvernement semble ainsi répondre, aux attentes de l'extrême droite, ce qui suscite des inquiétudes quant à la normalisation et à la diffusion de ces idées. En renforçant les contrôles migratoires, le gouvernement pourrait être perçu comme cherchant à apaiser les tensions politiques internes, mais cela risque de légitimer des discours de rejet et de renforcer une polarisation déjà marquée en Allemagne.
Stigmatisations et discriminations : les dérives des nouvelles politiques de contrôle aux frontières
Cette mesure suscite des inquiétudes sur l'accueil réservé aux migrant·e·s et le respect des droits humains, dans un contexte où l'immigration est souvent associée à l'insécurité. En effet, l'argument mis en avant est la « protection de la sécurité intérieure face aux menaces du terrorisme islamiste et de la criminalité transfrontalière ».
Cependant, associer l'immigration au terrorisme islamiste est une approche qui alimente la xénophobie et l'islamophobie. De plus, la mise en œuvre de ces mesures ne signifie pas un contrôle systématique à chaque frontière, mais des contrôles aléatoires. Ces contrôles ne sont en réalité pas aléatoires, des études comme celle de l'ex-Défenseur des droits Jacques Toubon montrent qu'il existe une surreprésentation des contrôles sur certaines populations : un jeune homme perçu comme noir ou arabe a vingt fois plus de chances d'être contrôlé, ce qui souligne l'impact discriminatoire de ces politiques.
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