La Turquie se retire de la Convention d’Istanbul : « une nouvelle dévastatrice »
Ankara s’est officiellement retirée de la Convention d’Istanbul dans la nuit du 1er au 2 juillet 2021, quittant ainsi le plus ambitieux accord international pour la lutte contre les violences faites aux femmes. Il s’agirait d’une manœuvre d’Erdogan pour rallier son électorat religieux et conservateur en vue des élections de juin 2023.
Premier à l’avoir signée en 2011, la Turquie est dorénavant le premier pays à quitter la Convention d’Istanbul, un traité international du Conseil de l’Europe signé et ratifié par 34 pays qui vise à prévenir et à lutter contre les violences faites aux femmes et les violences domestiques. La Secrétaire générale du Conseil de l’Europe a réagi en disant qu’il s’agissait d’une « nouvelle dévastatrice », tandis que Joe Biden s’est dit « profondément déçu » par les actions de son allié turc. Selon Amnesty International, « son retrait envoie un message inconsidéré et dangereux à ceux qui maltraitent, mutilent et tuent, leur disant en substance qu’ils peuvent continuer en toute impunité ».
La Convention d’Istanbul, l’instrument juridique international le plus ambitieux pour le droit des femmes
La particularité de la Convention d’Istanbul est d’être le premier instrument juridique contraignant au niveau pan-européen. Les pays qui l’ont signée se sont engagés à protéger et défendre les droits des femmes victimes de violences. Le principe de « diligence voulue » (article 5 de la Convention) rend tous les États responsables des faits de violences au même titre que l’auteur de ces actes s’ils ne mettent pas tout en œuvre pour empêcher et ensuite poursuivre ces violences. En pratique, tout·e citoyen·ne ou organisation peut saisir la Cour européenne des droits de l’homme s’il·elle estime que l’État n’en fait pas assez sur les questions couvertes par la Convention. Une trentaine d’arrêts ont ainsi été rendus en une dizaine d’années.
« L’érosion continue des droits dans ce pays »
Pour Amnesty International, on fait face à une « érosion continue des droits dans ce pays », un « mépris complet pour l’État de droit et recul total sur les droits humains » pour le rapporteur de la Turquie du Parlement européen. Chaque année, selon l’organisation We Will Stop Feminicide, 300 femmes sont victimes de féminicide en Turquie. Le GREVIO, l’organe de surveillance de l’application de la Convention d’Istanbul, rapporte que depuis le coup d’état de 2016 la situation des femmes s’y est fortement dégradée. Mauvais traitements et menaces sexuelles pour les femmes en détention, avec une « impunité systématique des forces de l’ordre », menaces, harcèlements et violences sexuelles pour les femmes du Kurdistan, le tout justifié sous couvert « d’actions anti-terroristes contre des ennemis de l’État ».
Malgré les protestations civiles et les manifestations lors de l’annonce du retrait de la Convention, Erdogan ne cèdera pas : il doit rassembler sa base électorale en vue des élections législatives et présidentielles de 2023. « Que Dieu soit loué », a par ailleurs tweeté le controversé imam de Sainte-Sophie, Mehmet Boyunkalin. Depuis l’an dernier, sous pression de groupes islamistes et d’extrême droite prêts à monnayer leur soutien pour la future élection, des cadres du parti du Président avaient déclaré que la Convention d’Istanbul nuisait à « la structure de la famille turque » et qu’elle « encourageait l’homosexualité », puisqu’elle bannissait les discriminations fondées sur l’identité ou l’orientation sexuelles. Les mobilisations féministes n’ont pas été suffisantes pour les dissuader.
De l’autre côté du Bosphore, l’Union européenne envisage d’intégrer officiellement la Convention, bien que six pays membres ne l’ont pas encore ratifiée et que la Pologne a exprimé en juillet 2020 son intention de s’y retirer. En Belgique, le gouvernement Vivaldi a déclaré que la Convention lui servirait de « ligne directrice », mais les progrès à faire sont encore nombreux, notamment en termes de recensement des violences et de la facilitation des poursuites judiciaires à l’égard de leurs auteurs.
POUR LA SOLIDARITÉ – PLS s’engage auprès des femmes victimes de violences
Souvent le loup se cache dans la bergerie, et de nombreuses violences sexuelles ont lieu dans le cadre conjugal. POUR LA SOLIDARITÉ-PLS s’engage, dans le cadre du projet Activ, à renforcer la collaboration entre les différent·e·s acteurs·rices impliqué·e·s dans le soutien aux femmes confrontées à ce phénomène et à les aider à se réinsérer dans l’univers socioprofessionnel. Pour plus d’informations, consultez : https://activproject.eu/fr/.