Constat des inégalités et de leur croissance en temps de pandémie

Jeudi, 18 Mars 2021

Aurélie Leroy, chargée d’étude au centre Tricontinental, était l’invitée ce jeudi 18 mars 2021 d’un débat organisé par la fédération Maisons Médicales autour de « la pandémie, révélatrice des inégalités ». Une intervention passionnante qui faisait la lumière sur les multiples rapports de domination et regains inégalitaires que la pandémie à mis en exergue.

Une crise importante de la reproduction sociale

La pandémie a permis un premier constat important ; il y a des métiers dont on ne peut se passer, qui constituent des dynamiques indispensables à toute société. Or, Aurélie Leroy note l’absence profond de « lien mécanique » entre l’utilité d’une profession et son niveau de prestige de même que sa reconnaissance salariale. En effet, force fut de constater que les métiers essentiels, de « première ligne » furent les grands perdants de nos économies mondialisées et que les rôles de pouvoir, bénéficiant d’un prestige social fort furent, de surcroit, fortement protégés du virus. Cet enseignement nous viendrait d’une « contradiction profonde du capitalisme », d’un système cynique pour lequel les métiers essentiels et vulnérabilisant sont largement dévalorisés, en témoigne leurs bas salaires.

« Beaucoup restent collées au plancher »

80% du personnel des soins de santé sont des femmes. Sans surprise, la concentration dans les métiers du « care » et autres secteurs d’activités peu valorisés furent également pointés du doigt lors du débat. Une ségrégation au sein du marché du travail qui n’est pas sans conséquence puisque les femmes, exerçant plus généralement des métiers de contact, ont naturellement contracté plus massivement la Covid-19 (61,9% des cas contractés en Belgique). Par ailleurs, celles-ci sont surreprésentées au sein des activités des ménages (91,6%), médico-sociales (84,5%) et de l’enseignement (69,3%). Dès lors, les quotas appliqués aux entreprises pour briser le plafond de verre dans les postes à responsabilité selon la stratégie du ruissellement, fût remis en question par la chercheuse qui notait que « beaucoup restent collées au plancher ». Une ascension salariale difficile donc, amplifiée par le travail domestique établi pour deux tiers des cas par des femmes. Un travail qui s’est par ailleurs largement accru pour celles-ci en temps de pandémie du fait des fermetures des crèches et des écoles.

Éclairer les angles morts

Les femmes ne constituant pas un groupe homogène, croiser les regards fût le mot de cette fin d’échange puisqu’au-delà d’accroitre les inégalités de genre, les inégalités racistes et de classe ont explosé durant la pandémie. La Seine-Saint Denis, département français le plus pauvre affiche à cet égard le taux de d’incidence le plus élevé. Dans une logique similaire en Louisiane (USA), les Afro-américain.e.s (1/3 de la population de cet État) qui, surreprésenté.e.s dans les métiers de premières lignes et plus exposé.e.s à la précarité constitueraient les deux tiers des personnes décédées de la Covid-19.

Terminons sur une note positive selon laquelle des indices intéressants pourraient être tirés de la pandémie ; « la boussole de la société fût pendant un certain temps celle de la vie humaine plus que celle du marché et de la croissance », espérons qu’il en sera de même au lendemain de la crise !

NB : D’autres conférences autour du genre en santé seront organisées par la Fédération des Maisons Médicales les jeudis 22 avril, 20 mai, 17 juin. La prochaine s'articulera autour de "l'invention du naturel : sexe, genre et biomédecine". Les inscriptions se font par ici, on vous attend nombreu.x.ses !