Condamnation de la France par la CEDH : la fin du devoir conjugal dans le mariage en Europe ?

Vendredi, 31 Janvier 2025

Le jeudi 23 janvier 2025, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France en raison d’une décision de justice ayant considéré qu’une femme était « fautive » dans son divorce pour avoir refusé d’avoir des rapports sexuels avec son mari. Cette décision pourrait entraîner des évolutions pour les droits des femmes en Europe et une remise en cause du concept de « devoir conjugal », encore présent dans les juridictions nationales de certains pays européens.

Une avancée historique pour le consentement et la liberté sexuelle au sein du mariage 

« Désormais, le mariage n’est plus une servitude sexuelle. Cette décision est d’autant plus fondamentale que près d’un viol sur deux est commis par le conjoint ou le concubin. Les arrêts de la CEDH bénéficiant d’une « autorité de la chose interprétée », la décision de ce jour va s’imposer aux juges français qui ne pourront plus considérer qu’une communauté de vie implique une communauté de lit. ». Ces mots, prononcés par l’avocate de la requérante, Delphine Zoughebi, illustrent la portée de cet arrêt et un tournant dans la reconnaissance des droits des époux·se·s au sein du mariage. Cette affaire concerne une Française dont la liberté sexuelle et le droit de disposer de son corps avaient été remis en cause par la Cour de cassation française. La requérante avait donc saisi la CEDH pour violation de ces deux principes fondamentaux.   

Cet arrêt aura pour conséquence une évolution en droit français, notamment dans l’interprétation du Code civil. Emmanuelle Piet, directrice du Collectif féministe contre le viol (CFCV), qui a soutenu la requérante, appelle ainsi la France à reconnaître officiellement que le mariage n’implique aucune obligation de relations sexuelles entre époux·se·s et à adapter sa législation en conséquence. Ainsi, dès que cet arrêt deviendra définitif, les juges français·e·s ne pourront plus prononcer de divorce pour faute sur la base d’un refus de rapports sexuels, les Etats ayant l’obligation de se conformer aux arrêts définitifs de la CEDH selon l’article 46, 1° de la Convention européenne des droits de l’Homme

 

Un tournant pour l’Europe 

L’impact de cette décision dépasse les frontières françaises : elle marque en effet un tournant pour les 46 États membres du Conseil de l’Europe et partis à la Convention européenne des droits de l’Homme. Ces États européens devront revoir leur approche du devoir conjugal pour se conformer aux principes des droits humains.  

Plutôt qu’une abolition pure et simple du devoir conjugal, la décision de la CEDH en clarifie les limites : il ne peut être interprété comme une contrainte ou une obligation sexuelle, réaffirmant que le consentement doit être libre, permanent et inaliénable. Cet arrêt est alors une bonne nouvelle pour la protection de la liberté sexuelle et un avancement dans le respect du consentement en Europe.