« Si la solidarité est un délit, je demande à être poursuivi-e pour ce délit »*

Jeudi, 15 Février 2018

Dans la logique migratoire européenne, les migrant-e-s sont souvent criminalisé-e-s dû au simple fait de leur présence sur le sol européen. Cette perception se concrétise dans les discours politiques, fortement alimentés par le discours médiatique.

Plusieurs organismes et individus ont signé la pétition intitulée « Manifeste des délinquants de la solidarité » en 2003 afin de dénoncer le changement des politiques à l’égard des immigré-e-s et à la criminalisation de l’acte solidaire.

L’origine de ce manifeste repose sur l’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 : «  tout individu qui, par aide directe ou indirecte, aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an, et d’une amende de 600 F à 12 000 F ». Le contexte de la fin de Seconde Guerre mondiale, dans lequel cet article est rédigé évolue à deux reprises en 1972 et 1976 qui rajoutent des sanctions et peines supplémentaires.

En 1990, la convention de Schengen réputée pour son ouverture à la « libre circulation des individus » représente également une fermeture vis-à-vis des citoyen-nne-s non-européen-nne-s. Autrement dit, la convention demande aux États membres d’ « instaurer des sanctions appropriées à l’encontre de quiconque aide ou tente d’aider, à des fins lucratives, un étranger à pénétrer ou à séjourner sur le territoire d’un État de l’espace Schengen. » En France, la loi permet d’agir dans le cadre de cet article  « sans prendre en considération les motifs qui animent leurs auteurs ». Ultérieurement, la loi pour la sécurité intérieure adoptée en 2003 prévoit la confiscation pour les personnes physiques de tous leurs biens, meubles ou immeubles.

L’Europe semble être vraiment dans une logique d’harmonisation de ses politiques. Le 7 décembre 2017 c’est le tour de Belgique de proposer le projet de loi visant à légaliser les rafles à domicile. La loi permettra aux polices de perquisitionner tout domicile pour arrêter les personnes en situation d’irrégularité ayant refusé le retour volontaire. Le projet ouvre également la voie à la criminalisation des personnes qui les accueillent.  Pour lutter contre ces politiques,  un rassemblement est organisé par plusieurs collectifs le dimanche 25 Février à 14h au Parc Maximilien à Bruxelles.  

Dans le contexte français, le procès contre l’agriculteur Cédric Herrou (qui a hébergé les migran-t-e-s dans la Vallée de la Roya et les a aidé à traverser la frontière italienne) illustre à quel point la solidarité est devenu un acte de délit. Avant son procès à Aix-en-Provence en août dernier, Herrou défend son rôle de citoyen qui agit « lorsqu’il y a défaillance de l’État » et continue ainsi :

« J’invite le parquet à venir dans la vallée de la Roya entendre les familles des quinze personnes mortes en tentant de franchir la frontière. J’attends avec impatience les trente prochaines décennies et on verra qui se retrouvera devant les tribunaux. Je continuerai à me battre. Ils n’ont qu’à me mettre directement en prison, ce sera plus simple. »
 

* La dernière phrase du « Manifeste des délinquants de la solidarité ».