Crise migratoire : l’UE s’enlise et se divise

Jeudi, 10 Octobre 2019

Alors que les naufrages en mer méditerranée sont courants, les crises à propos de l’accueil des bateaux se répètent sans qu'aucune solution ne semble se dessiner pour l’heure. Si quatre États membres (l’Allemagne, la France, l’Italie et Malte) ont proposé la mise en place d’un mécanisme temporaire de solidarité dans la répartition des migrants, les discussions au conseil des ministres de l’UE n’ont pas abouties pour l’heure. Une impasse qui laisse apparaitre les divisions européennes quant à la gestion de crise migratoire. Une situation d'autant plus préoccupante face aux limites des dispositifs actuels.    

Un « mécanisme de solidarité européenne »

Si les ports italiens ont été rouverts suite au départ de Matteo Salvini, le nouveau gouvernement s’est empressé de faire part de son incapacité et sa lassitude à absorber le flux migratoire à lui seul.

Face à l’urgence de la situation, la France, l’Allemagne, l’Italie et Malte ont signé un accord sur la mise en place d’un mécanisme temporaire de répartition des migrants secourus en Méditerranée. Il prévoit, sans ériger de quotas, une relocalisation des demandeurs d’asile entre les pays volontaires. Les opérations de sauvetage en mer concerneraient les trois routes migratoires. Néanmoins, cet accord reste un avant tout un accord de principe et n’entérine ni procédures ni conditions d’éligibilités à l’accueil.

Un accord impossible

Mardi matin, à l’occasion de la réunion du conseil des ministres de l’UE, l’Allemagne, la France, l’Italie et Malte ont fait part de leur « pré-accord » aux autres Etats-membres. Des négociations qui n’ont pour l’instant pas abouties et pour lesquelles les avancées restent floues : si la France assure qu’une dizaine d’états se sont ralliés à sa proposition, les ministres des différents états membres semblent se contredire, à l’image du luxembourgeois qui n’en évoque que quatre.

Les divisions ont, pour leur part, été affirmées haut et fort lors de la réunion. Le groupe de Visegrad (Hongrie, République Tchèque, Pologne, Slovaquie) s’est d’ores et déjà opposé à la mise en place d’un mécanisme de solidarité. A contrario, la Grèce, la Bulgarie et Chypre ont jugé l’accord insuffisant et appellent à « partager le fardeau des migrants » de manière permanente. D’autres États ont préféré adopter une position attentiste à l’image du Danemark ou de la Belgique. Alors que chacun campe sur ses positions, un accord semble bien lointain et ce, quand bien même les politiques actuelles montrent leurs limites.

Des politiques à bout de souffle

Aujourd’hui, les politiques européennes en matière d’immigration sont avant tout des politiques de reflux des migrants aux frontières. Pour cela, l’UE a déployé différentes opérations de contrôle des frontières telles que Poséidon, Thémis ou Sophia. Si elles ont permis de sauver plus de 470 000 personnes, elles laissent aujourd’hui entrevoir des failles, à l’image de l’opération Sophia qui est aujourd’hui à l’arrêt suite à la fermeture de son port, en Italie.

Cette stratégie de reflux se traduit aussi par une sous traitance de la gestion de la crise à des pays tiers. A ce jour, l'UE a signé deux accords, le premier avec la Turquie en 2016 et le second avec le Rwanda en septembre 2019. C'est une pratique à la fois coûteuse, Istanbul réclame des fonds supplémentaires quand Kigali attend une enveloppe pour commencer à accueillir les migrants coincés en Lybie et éphémère ; la Turquie se dit lasse et dépassée par la situation, sans compter le Rwanda qui a déjà fixé un seuil maximal d'accueil, à 30 000 personnes.   

Ainsi, à contre courant des politiques de fermeture et d'attentisme, il est toujours important de rappeler le coût humain de cette inaction, qui s'élève à près de 19 000 personnes noyées en Méditéranée en cinq ans.